C'est l'histoire d'un couple qui, arrivé dans la quarantaine, s'organise pour partir un an, en congé sabbatique, sac au dos, en Asie.
Petit détail : ceci s'est passé en 92-93 !
Après relecture de Routards & Cie, que Sally avait rédigé à notre retour, nous avons décidé d'en faire un blog d'une durée d'un an en respectant le texte original et sa chronologie afin d'y retrouver les émotions de l'époque.
Les 675 photos, les 65 documents scannés, les 12 dessins, les 125 vidéos et les 95 enregistrements sonores sont d'époque aussi.
Bonne lecture !

Paris, 16 septembre 1993

LE RETOUR


Carnet de François qui a triplé d'épaisseur

L’avion se pose avec 30 minutes de retard, les bagages tardent à arriver, et pendant tout ce temps on se demande si quelqu’un est venu nous accueillir. Norbert, presque sûr, Jocelyne, pas possible à cause de l’horaire ; qui encore ?

De l’autre côté, c’est Norbert, Jocelyne, Véronique, Antoine, Serge, Françoise et Jacques qui nous attendent patiemment.
Oh, l’émotion de les voir tous réunis, guettant nos premières réactions, je la ressens encore aujourd’hui ! Nous buvons le verre des retrouvailles et c’est Norbert qui nous dépose chez nous : dans le réfrigérateur, du champagne et un plateau de fromages, sur la table basse un immense bouquet de fleurs. Oui, la vie est belle !

Nous sommes invités chez les Fonfec pour faire la connaissance de la petite Sophie !


Réalisé avec les 675 photos utilisées dans le blog

Delhi, 15 septembre 1993

L'acteur Sanjay Dutt (affiche Gumrah ci-dessous)



Derniers achats de bouquins, cartes postales, on se débarrasse des roupies. Delhi est en effervescence après un attentat qui a fait huit morts.
Ça y est ! La boucle est définitivement bouclée, et les bagages presque.


P.S. Paraît que les Fonfec, nos charcutiers, viennent d’avoir une petite fille ?

Delhi, 14 septembre 1993

Un dernier petit tour au fort Rouge et à la Jama Masjid.

Pierres semi-précieuses incrustées du fort Rouge

Le monde des routards

Après une année de pérégrinations asiatiques, je suis maintenant prête à vous dévoiler les habitudes et les coutumes du monde des routards, un monde qui m’était totalement inconnu. Je me souviens seulement m’être étonnée plusieurs fois, dans les dix dernières années, devant le courage de ces voyageurs transportant des kilos sur le dos et transpirant sous les rayons du soleil en cherchant un hôtel. J’étais alors, à ce même moment, bien à l’abri dans ma voiture climatisée.

Qu’est-ce qu’un routard ? 
Si l’on consulte le Larousse, on apprend que c’est un jeune qui voyage à pied ou en auto-stop avec peu d’argent.
Cette définition remonte à des années révolues, et je peux vous dire que ces routards-là sont en voie d’extinction ; il n’en existe presque plus, je me demande même si nous en avons croisé un seul !
De nos jours, on se déplace en bus, en train et en avion, tout en continuant à s’appeler routard, même si l’on a dépassé 40 ans !
En anglais, le routard s’appelle “backpacker”, celui qui porte son sac sur le dos. Voilà qui se rapproche nettement de la réalité.
Un sac à dos classe d’office dans la catégorie routard. Les locaux, qui savent depuis longtemps faire la différence entre une Samsonite et un sac à dos, le dirigeront automatiquement vers la petite guesthouse pas chère, pas vers le Hilton.
C’est quand même plus facile de transporter un sac bien équilibré sur le dos qu’une valise de vingt kilos qui arrache le bras et dévie la colonne vertébrale ! Il faut penser aux moments difficiles où il recherche un hôtel, où il voyage à l’arrière d’une moto, où il court sur un quai de gare. Conclusion : si vous voulez vous transformer en routard, mettez-vous bien dans la tête qu’il va falloir abandonner les valises à roulettes. Si cette idée vous fait flipper, n’y pensez plus !

La nationalité du Routard
Ce sont les Anglais et les Allemands qui tiennent le haut du pavé, suivis par les Hollandais et les Scandinaves. Les Français sont rares.
Une mention pour les Suisses finalement assez nombreux, puisqu’il y a plus d’habitants dans l’agglomération parisienne que dans toute la Suisse ! Ils n’ont pas l’air heureux d’habiter un pays à deux vitesses - la prospérité pour la Suisse Alémanique, les miettes pour les autres - qui a choisi de ne pas entrer dans la CEE.

L'âge du Routard
L’âge moyen des routards se situe entre 20 et 30 ans. Mais rien n’empêche d’y croire, même à nos âges même si l’on en rencontre peu ! Nombreux sont ceux qui partent pour plusieurs mois ou même plusieurs années avant de se lancer dans la vie professionnelle ou pour le simple plaisir de découvrir des horizons nouveaux. D’autres sont complètement paumés et errent sans autre but que de durer le plus longtemps possible avant de retrouver les problèmes qu’ils ont laissés derrière eux.

Les finances du Routard
Si l’on observe de plus près une population de routards, on s’aperçoit qu’elle se divise en de nombreuses catégories déterminées par le budget : le prix d’une chambre peut être multiplié par cinq entre un routard “basique” et un routard “confort”, il en est de même entre un repas sur le trottoir et un repas au restaurant.
Le choix du moyen de transport est déterminant ; ainsi entre Bangkok et Chiang-Mai, trois possibilités : l’avion pour la catégorie “confort”, le train pour la catégorie “standard”, le car pour la catégorie “basique”. Ne compliquons pas la situation avec les sous-catégories : place assise, couchette, air conditionné ou pas, etc.
Sachez, cependant, qu’un routard “standard” ou “confort” ne rechigne pas à descendre d’une catégorie si la situation l’exige. En revanche, monter d’un cran est psychologiquement - et financièrement - plus pénible.
C’est surtout du routard “basique” qu’il va être question dans les lignes qui suivent car il titille sans cesse ma curiosité.

Le routard a plusieurs façons de subvenir à ses besoins pendant le voyage.
Premier cas : il a tout calculé avant le départ, le compte en banque est approvisionné - ce qui assez rare. Il lui suffit alors de se présenter au guichet d’une banque avec sa carte de crédit : il est amusant de voir se côtoyer les rombières américaines - qui n’en croient pas leurs yeux - et les routards crasseux devant les guichets de l 'American Express.
Deuxième cas : il n’a rien calculé avant le départ, mais peut-être que Papa et Maman ont pensé à approvisionner le compte. Au cas où leur mémoire aurait été défaillante, autre solution : essayer de donner des cours de français, d’anglais ou d’allemand, selon sa nationalité. Cette démarche nécessite cependant un investissement : l’achat d’une tenue convenable, apte à séduire les futurs élèves. Heureusement, les tailleurs sur mesure fleurissent dans tous les pays d’Asie.
Celui qui a le sens du commerce peut acheter des bijoux à Jaipur, du safran au Cachemire, de la soie à Bénarès et des bracelets en Irian Jaya pour les revendre dans les rues de… Tokyo où les marges peuvent atteindre au moins 500 %. Mais attention, le commerce de trottoir nippon est entre les mains des Israéliens ! Tu paies ou tu pars !

Autre technique : celui qui apitoie des touristes sur son sort - argent et carte de crédit volés, par exemple - de préférence au restaurant. C’est un bon truc pour se faire offrir un repas ou une cigarette par des naïfs apitoyés !
Enfin, celui qui n’a pas de scrupules joue au dealer. Après s’être approvisionné dans le célèbre Triangle d’Or, à la frontière de la Thaïlande, du Laos et de la Birmanie, il rejoint Katmandou ou les plages de Goa, Pattaya et Phuket pour y écouler la drogue auprès d’autres touristes, et y couler des jours heureux.

La solitude du Routard
De nombreux routards partent seuls, c’est pourquoi ils aiment se retrouver entre compatriotes dans des coins pour routards ; ainsi à Bangkok, Singapour, Katmandou ou Jakarta qui ont carrément une rue ou un quartier pour eux. C’est ici qu’on échange ses bons et mauvais tuyaux.
C’est quoi un bon tuyau ? En général, c’est une île où l’on peut rester des semaines sans rien faire pour pas cher. Exemples : Koh Chang en Thaïlande ou Samosir à Sumatra. Des îles désertes, entendez par-là que seuls les routards y séjournent.
Oui, le routard est grégaire, ça permet d’économiser de l’argent en partageant sa chambre avec un autre routard ou en louant un taxi ou un bateau à plusieurs.
Rares sont ceux qui mangent seuls. Les grandes tablées sont propices aux regroupements par nationalité. Les bouts de table sont occupés par les véritables solitaires qui essaient en vain de se concentrer sur Kant ou Tintin au milieu du brouhaha des conversations croisées.
Attention, mieux vaut éviter de se trouver en face d’un routard isolé en mal de confidences : difficile de se dépêtrer d’une telle situation quand on s’épanche sur votre épaule ! Accident de moto, passeport confisqué, amende…

La nourriture du Routard
Autre tuyau d’importance : où manger dans un cadre agréable sans dépenser trop ? Parfois, il se lasse de se sustenter au milieu d’un marché, certes pittoresque, avec des trucs pleins d’huile dans une feuille de bananier, et des fruits qui dégoulinent sur les doigts. Heureusement, il existe des havres de paix, des oasis de fraîcheur où une douce musique résonne agréablement aux oreilles. Merci aux hôtels de luxe, au Sheraton, au Méridien, pour leurs magnifiques buffets À VOLONTÉ ! Il n’y a guère que dans ces hôtels des pays en voie de développement que le routard peut se payer une telle abondance de mets, et il en a conscience. Lui qui vit habituellement de pois chiches grillés et de bananes, a soudain peur de manquer : il entasse sur une seule assiette de porcelaine les entrées, les plats de résistance et les desserts. On ne sait jamais, il a vu un groupe de congressistes japonais à l’autre bout de la salle.
Sous réserve de ne pas vomir dans les deux heures cette nourriture soudain abondante et riche, c’est une formule économique qui permet de sauter un repas !

Le look du Routard
Certains d’entre vous n’ont peut-être aucune idée du look d’un routard “basique”. Voici quelques précisions.
Le look du routard “basique” correspond souvent au premier pays visité car il adopte généralement les fabrications locales. C’est très flagrant en Inde, où les prix extrêmement faibles permettent aux budgets les plus bas l’achat d’une garde-robe complète.
Les Anglaises portent une tunique longue par-dessus laquelle elles enfilent un court gilet sans manche, un pantalon large du haut et serré aux chevilles ou une jupe longue et colorée en coton froissé. Parfois les trainings remplacent les sandales à lanières de cuir naturel. Elles ont souvent un 3e œil sur le front, des pendants d’oreille, et un petit anneau dans la narine, et un tatouage discret sur le bras.
Sur l’épaule, un sac à bandoulière en tissu viendra donner une touche finale à ce tableau soixante-huitard.
Parfois, l’habillement permet de reconstituer plus ou moins l’itinéraire. Seulement plus ou moins. Imaginez que vous rencontrez un routard avec une tunique à la Nehru sur un pantalon en batik, des tongs aux pieds, une casquette brodée birmane sur la tête. Inde, Birmanie, Indonésie ? Ou seulement Khao San Road à Bangkok ?
D’autres préfèrent le look occidental décadent caractérisé par un T-shirt délavé aux coutures déchirées. Quelques coups de ciseaux bien appliqués peuvent accélérer le processus de dégradation.

Et maintenant, que croyez-vous que je voie quand je me regarde dans le miroir ? Des cheveux plus longs à la coupe incertaine, un vieux T-shirt Gucci de Bangkok, un pantalon élimé de Madurai, et des tennis de Bali… J’ai l’impression d’être sur le bon chemin !

Goa, 12 septembre 1993

Pour la nourriture, pas de fantaisie, tout le monde a les mêmes menus : des plats occidentaux et chinois, rarement des plats indiens. À l’entrée de chaque restaurant, un grand tableau noir disant : “Today’s Special…” avec le steak de requin, les calamars à l’ail, le plateau de la mer, et le gâteau au chocolat.

Aujourd’hui, le restaurant Sea Pearl rouvre ses portes : un serveur essaie d’inscrire les plats sur le tableau noir, un pense-bête dans la main gauche, une craie dans la main droite. Le baby kingfish va s’emmêler les pédales avec le shark steak, les milk-shakes gondolent, les desserts sont écrits trop petits. Résultat : la patronne râle et appelle son mari qui efface tout et nous torche le travail en deux minutes. Décidemment, on ne peut plus se fier au petit personnel, même en Inde !

Quelques instants plus tard, alors que le vent et la pluie pénètrent dans le restaurant malgré les bâches protectrices en plastique, un cri d’horreur fait tourner toutes les têtes. C’est un serpent qui passe devant l’entrée, tranquillement, sans déranger personne. Le malheureux ! Une nuée de coups s’abat sur lui, chacun s’étant saisi, qui d’un bâton, qui d’une branche morte de palmier ; même la cuisinière, petite femme bien ronde et courte sur jambes est de la partie. Elle brandit son bâton si haut que sa robe remonte au milieu des cuisses et qu’elle a le menton entre les deux seins. Elle n’est pas la dernière à asséner de grands coups sur la pauvre bête, à la manière des lavandières du Portugal dont elle descend peut-être !

Le restaurant qui marche, c’est Britto’s. Pourquoi ? Peut-être parce que la musique y est plus forte qu’ailleurs : si le reggae n’existait pas, quel calme à Katmandou, Bali, Koh Samet et Goa !

[Bruit des vagues sur Baga Beach]


Les dernières photos...


Goa, 11 septembre 1993

La plage aussi a son ambiance. Actuellement, les marchands sont plus nombreux que les touristes, alors difficile d’avoir cinq minutes de bronzette au calme.

Ce matin, nous nous allongeons le plus discrètement possible entre Infant Jesus et Lambada, deux bateaux de pêcheurs, sûrs de n’avoir pas été repérés, quand soudain, une voix aiguë de petit garçon vient nous tirer d’un demi-sommeil douillet : “Want cold drink, Limca, mineral water, very cold ! Later ?
Alors commence le défilé : “Buy longhi, bed cover, nice shirt ? Later ?”, “ Massage, haircut, clean ears…”, “Nice jewels for you, Madam, necklace, earrings, beautiful stone… Later ?
Miss Bagoua

“ Hello ! How are you today ?” Tiens, c’est la voix un peu rauque de Bagoua ; elle a huit ans, une queue-de-cheval, des boucles d’oreilles, un anneau dans la narine. Aujourd’hui, elle porte sa robe verte à volants, et sur la tête un grand panier rond rempli de fruits. Et pour vendre ses fruits, elle est douée la petite Bagoua ! 
I have good papaya for you today, only 20 rupees !
- Mais c’est cher vingt roupies, j’en ai vu à dix !
If you see lady selling papaya for 10 rupees, then you can buy that lady !
- Dis voir, il est à moitié vide ton panier, les affaires ont bien marché ce matin !
No, I take only half fruit because full basket too heavy for me !
- Il est encore vert ton ananas, il est pas bon…
Pineapple good, I cut, you eat ; if not good, you not pay ! You want watermelon ?... I like eat watermelon…
- J’ai pas d’argent sur moi.
No problem, you eat now, you pay afternoon !

Elle ne manque pas de bagou, la petite Bagoua !

[My name is Bagoua]


La maman de Bagoua

Goa, 8 septembre 1993

Baga Beach avant la saison touristique

C’est très pratique quand on est sur la côte ouest, car on voit arriver les nuages de la mousson, là-bas au-dessus de la mer.
Les perturbations - quatre à cinq par jour - sont violentes et courtes. L’air est tellement humide que les maillots de bain n’ont pas le temps de sécher pendant la nuit, et que mes lunettes de vue s’embuent dès que je mets le nez dehors !
La mer, encore sauvage, continue de raviner la plage dont le sable forme de petites collines.
Dans le cadre de notre voyage-pèlerinage, nous logeons à nouveau au Baia do Sol !
La saison touristique n’est pas encore commencée, la moitié des hôtels sont encore fermés, idem pour les restaurants.

Madras, le 7 septembre 1993


Nous continuons notre voyage de pèlerinage : le Broadlands, nous le connaissons déjà, c’est ici que nous avons découvert que le dessus de lit et le drap du dessous ne font qu’un. Rien n’a changé, pas de serviettes de toilette, ni de savon, ni de PQ, mais un charme fou avec ses allures de village grec peint en bleu pâle, ses escaliers extérieurs, ses recoins, ses courettes, et ses terrasses.



Chambre 43 du Broadlands sur la terrasse près de la mosquée




Nous passons justement l’après-midi sur notre terrasse, à bouquiner et à regarder autour de nous. Des oiseaux se chamaillent dans le feuillage épais d’un arbre dans notre cour : plein de choucas comme partout en Inde, qui n’hésitent pas à venir picorer des miettes de nourriture à deux mètres de nous, et des perroquets verts au bec rouge aussi bruyants que des perruches. En fin d’après-midi nous découvrons l’oiseau le plus bruyant du coin : le muezzin de la très proche mosquée, qui nous fait savoir, malgré lui, que notre réveil sera matinal demain, et que l’enregistrement sur le dictaphone sera de bonne qualité !

[Magnifique appel à la prière]

Le quartier musulman de Madras est toujours animé, en particulier le soir, quand tous ceux qui dorment dehors s’installent sur leur bout de trottoir, entre les tas d’ordures où chacun va fouiller, les vaches aux longues cornes peintes qui ruminent d’un air hautement flegmatique, les enfants qui mendient des paisas, les vendeurs ambulants de bananes, goyaves, pois chiches grillés. Même après une semaine de grève des services de nettoyage, le métro parisien ressemblerait à la Suisse à côté de cette rue de Madras ! Mais qu’est-ce qu’on l’aime !

Adieu Madras, 
bonjour Goa !

[Annonce sur le vol Madras-Goa]

Mahabalipuram, 6 septembre 1993


Avant notre départ, un serveur nous apporte un immense bouquet fait de lauriers-roses, d’hibiscus et de glaïeuls sur lit de feuilles de palmiers. Quelle gentille attention ! Que vais-je faire de cette gerbe ? Finalement, je ne prends qu’un hibiscus, et je laisse le reste à la réception pour la déco. Dommage !


Le directeur de l’hôtel, qui doit aussi se rendre à Madras, nous emmène dans la camionnette de service, conduite par un chauffeur, et nous dépose devant le Broadlands. Service plus !

Mahabalipuram, 1er septembre 1993


Normalement, si vous avez bien suivi le feuilleton, vous devez savoir où nous sommes, car c’est notre second passage à Mahabalipuram.

Pour mémoire, nous sommes à soixante kilomètres au sud de Madras, sur la côte est de l’Inde.
Pour venir de Delhi, rien de plus facile : lever à 4 heures du matin, taxi pour l’aéroport, vol pour Madras avec escale à Hyderabad, train de banlieue de l’aéroport de Madras au centre-ville, et bus pour Mahabalipuram. Dix heures de voyage pour nous entendre dire : “Sorry, hotel full today, but come back tomorrow”.
Nous avions repéré l’Ideal Beach, déjà plein, en novembre dernier. C’était Martine et Philippe qui nous avaient soufflé la dernière chambre, vous vous rappelez ?
Finalement nous avons notre chambre le lendemain, ils sont même venus nous chercher en camionnette à l’hôtel voisin !


Une jolie chambre avec un balcon qui donne sur les jardins. On entend bien les rouleaux de l’océan Indien, très agité en cette fin de mousson. Impossible de s’y baigner, les vagues sont trop fortes. Mais la plage, qui fait des kilomètres, est une promenade idéale. Pour la baignade, on se contente de la piscine de l’hôtel.

Delhi, 30 août 1993

Pour terminer cette année en beauté nous nous offrons une petite folie.
A suivre...

"Librairie" de trottoir

Delhi, 28 août 1993

Seulement une nuit à Dharamsala, avant d’aller chercher le train à une centaine de kilomètres, au Penjab. Il fait tellement chaud que nous finissons par prendre une douche à la gare - ça existe presque dans toutes les gares.
C’est au petit matin que nous arrivons à Delhi, après un voyage en compagnie d’un papy de 91 ans, habillé à la Nehru, à moitié sourd, et très bavard.
Nous retrouvons une chambre au 55.

Connaught Place

Soldes d’été à Delhi, il y a un monde fou ce samedi sur Connaught Place. Ravi Shankar a été hospitalisé. Mère Teresa va mieux. Il fait toujours chaud ici.

Daramsala, 26 août 1993


Pas grand-chose d’intéressant, mis à part les paysages de la région de Dharamsala, et la route en lacets qui mène de Dharamsala à Mac Leod Ganj, siège du gouvernement tibétain. Le panorama est à couper le souffle.

Jogindernagar, 25 août 1993

L'objectif du jour : l’école tibétaine de Bir où vit Phurbu Dhondup, l’étudiant tibétain que nous parrainons.


Nous trouvons du premier coup ! Tout le monde est là, la secrétaire administrative avec laquelle je corresponds depuis plusieurs années, et qui a continué de nous écrire pendant notre périple, ainsi que Phurbu, 18 ans, tellement excité de nous rencontrer enfin, qu’il en perd son anglais.



Nous visitons tout, les dortoirs des filles et ceux des garçons, la boutique, la cuisine, l’économat. Les salles de classe sont fermées car la journée est consacrée aux travaux collectifs pour la construction d’un nouveau bâtiment.
Ils sont 450 étudiants, dont la plupart ont fui le Tibet par une filière népalaise. Là-bas, ils restent quelque temps dans des centres d’accueil, puis partent en car vers Delhi pour les formalités administratives indiennes. Ensuite, direction Dharamsala, capitale du gouvernement tibétain en exil, là où réside le dalaï-lama lorsqu’il n’est pas en World Tour ! Enfin, ils sont envoyés dans les divers camps de réfugiés du nord et du sud de l’Inde. Entre le Tibet et le Népal, le voyage se fait à pied : Phurbu a mis 18 jours dans la neige, laissant derrière lui toute sa famille.

Le gouvernement chinois considère l’école de Bir comme subversive. Aussi, ceux qui retournent au Tibet après avoir terminé leurs études, ont-ils droit à un comité d’accueil. Prison, interrogatoires... Nous déjeunons avec la secrétaire, puis Phurbu nous montre son album photos avec les portraits de ses parents et de ses meilleurs amis restés au Tibet. Les nôtres, envoyées au début du parrainage, il y trois ans, y figurent également.
Nous terminons l’après-midi avec une séance photos et vidéo sous les regards amusés de dizaines de garçons et de filles qui nous observent.

Jogindernagar, 24 août 1993

Circulez, y a rien à voir ! Pourquoi sommes-nous ici, alors ? 
Réponse demain...


Manali, 22 août 1993



Belle promenade dans le vieux Manali à un kilomètre du centre. Pour y arriver, nous prenons le chemin des écoliers à travers les champs de maïs et les pommeraies. Ah, les belles pommes rouges et croquantes ! C’est la pleine saison, et nous croisons sans cesse des hommes portant sur leur dos des paniers coniques pleins de fruits qu’ils vont porter aux négociants qui les expédient dans toute la région. Avez-vous déjà goûté du jus de pomme frais ? Un véritable délice !



Mais revenons au vieux village, étagé sur les pentes d’une colline : les murs sont en pierre et grosses traverses de bois, le toit plat est couvert d’immenses lauzes. Les femmes tissent au soleil devant la maison, les matelas et les couvertures s’aèrent au balcon. Tout est calme.


Rien à voir avec la ville nouvelle où nous logeons, caractérisée par son “anarchitecture”. Vue de haut, elle est laide, vue d’en bas, elle est sale et bruyante, mais l’ambiance y est encore authentique : de nombreuses échoppes préparent des mets frits dans de grands woks pleins d’huile, des Indiens en vacances, fiers de leur position sociale, se pavanent en famille avec leurs enfants, les Tibétains réfugiés vendent leurs produits dans leur propre marché, des guérisseurs rajasthanis que l’on repère de loin à leur turban viennent vendre ici leurs remèdes à base de plantes : d’après leur livre d’or, c’est la formule n° 15 qui semble rassembler les suffrages des utilisateurs. Grâce à elle, adieu aux aigreurs d’estomac, aux kilos en trop, et aux pannes sexuelles !

Manali, 21 août 1993

Guérisseurs du Rajasthan



Bien arrivés, hier soir, bien reposés ce matin. Et c’est tant mieux, car je ne le ferai pas tous les jours !

Je prends mon pied en regardant un film indien : une belle histoire d’amour presque impossible entre un homme et une femme. Ils savent rire, pleurer, chanter et courir au ralenti dans des prairies couvertes de fleurs sur fond de rivières et de montagnes. Les scènes d’amour s'arrêtent avant le baiser, dans leur version “hard”.


Le héros, qui répond rarement aux critères de beauté occidentaux, se reconnaît aux attributs suivants : veste cintrée, chemise à col largement ouvert laissant voir des poils virils sur la poitrine, cheveux un peu longs ou moumoute, si le jeune premier a dépassé 50 ans, dents ultra-blanches, et - très important - lunettes de soleil de type Ray-Ban. L’héroïne - je trouve les actrices indiennes très jolies - au maquillage très chargé, change de vêtements et de coiffure à chaque scène. Minijupe, sari, jeans, tout y passe !

[Chansons du film Aankhon Aankhon Mein]

À chaque film, ses ballets, ses chansons. Les acteurs, qui sont doublés par des chanteurs connus connaissent une adulation à peine imaginable de la part de millions d’hommes et peut-être de femmes.


Manali, 20 août 1993

Il nous reste 220 kilomètres pour atteindre Manali. Lever à 4h45, départ à 5h30, arrivée vers 18h45...






photo 1-1
photo 1-2


Nous quittons progressivement le paysage lunaire du Ladakh, nous abordons l’Himachal Pradesh et la verdoyante vallée de Kullu qui a connu le mois dernier les déferlements de la mousson : le niveau de la rivière Beas est monté de plus de dix mètres emportant dans ses flots des morceaux de route, des maisons, des arbres, des gens…


[Reportage durant le trajet en bus de Sarchu à Manali]


Cinq minutes après notre arrivée à Manali, nous nous installons dans un petit hôtel conseillé par un routard de notre car. En plein centre, dans une rue calme, nos fenêtres donnent sur - par ordre d’apparition - les pommiers, la cour de l’école, le maïs en terrasses, les chalets et les forêts de pins sur les collines en face.

Nous avons une salle de douche avec eau chaude, la moquette est neuve, les peintures viennent d’être refaites et la télévision marche quand il n’y a de coupure d’électricité. Bref, presque le luxe pour 125 roupies par jour.

Sarchu, 19 août 1993

Panneau indicateur à Upshi

Départ à 6h15. Le car est confortable, mais les 475 kilomètres (255 aujourd'hui et 220 demain) de route... La moitié n’est pas - ou plus - goudronnée, le bas-côté est bordé de grosses pierres qui ne demandent qu’à dévaler les pentes, les lacets sont tellement serrés - les fesses aussi - que les deux chauffeurs doivent souvent s’y reprendre à plusieurs fois ; croiser un autre car est une manœuvre au centimètre près ; on ne compte plus le nombre de rivières et de cascades passées à gué, ni les troupeaux de chèvres et de moutons se promenant sur la route et plus loin des marmottes dressées sur leur pattes arrière. Le bus fatigue, on est parfois obligé de descendre pour qu'il monte...


Heureusement, les paysages nous occupent pendant une grande partie de la journée ; ils sont très variés, puisque nous descendons de 5 400 mètres (col de Tanglang) à 1 800 mètres (Manali).



Juste un mot sur l’étape de nuit dans un camp de toile à près de 5 000 mètres d’altitude : une paillasse et deux grosses couvertures par personne sous de grandes tentes. Malgré les chaussettes ladakhies, achetées la veille, nos pieds restent gelés toute la nuit.

[Reportage durant le trajet en bus de Leh à Sarchu]

Leh, 18 août 1993

On ne se lasse pas de flâner dans les rue de Leh.









Déjeuner au Mona Lisa


Le bus de Manali est bien arrivé aujourd’hui ; c’est ce même bus qui nous y emmènera demain à Manali, en deux jours.
Pas de restaurant en route, aussi faisons-nous quelques achats : un beau pain bis de la German Bakery, du miel, du fromage à tartiner en conserve, des biscuits, et des œufs durs.
Nous allons prendre l’une des plus hautes routes du monde. Vous pensez tenir le coup ?

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