C'est l'histoire d'un couple qui, arrivé dans la quarantaine, s'organise pour partir un an, en congé sabbatique, sac au dos, en Asie.
Petit détail : ceci s'est passé en 92-93 !
Après relecture de Routards & Cie, que Sally avait rédigé à notre retour, nous avons décidé d'en faire un blog d'une durée d'un an en respectant le texte original et sa chronologie afin d'y retrouver les émotions de l'époque.
Les 675 photos, les 65 documents scannés, les 12 dessins, les 125 vidéos et les 95 enregistrements sonores sont d'époque aussi.
Bonne lecture !

Chatuchak Market, le 30 janvier 1993

C'est dimanche, le jour du marché de Chatuchak. Avec Antoine, on prend le bus n° 59 pour s'y rendre. Un immense espace est consacré à ce marché où on peut acheter de la nourriture, des objets de décoration, des habits, et bien d'autres articles dont je ne connais pas le nom !



Bangkok, 29 janvier 1993

Nous profitons de la présence d'Antoine pour une séance photos. Confier l'appareil à un inconnu est toujours un peu stressant, surtout s'il semble pouvoir courir vite !



Hier, match de boxe thaïe, grosse ambiance dans la salle avec les bookmakers.

[Match de boxe]

Aujourd'hui visite des pavillons du palais Suan Pakkard dans un cadre reposant.


On ne peut pas laisser Antoine quitter Bangkok sans lui faire voir les dures réalités de la vie de milliers de jeunes Thaïlandaises.

Voici deux rues très calmes pendant la journée, à peine reconnaissables quelques heures plus tard. Quand la nuit tombe, Patpong 1 et Patpong 2 s’animent : des marchands installent leurs tréteaux de souvenirs sur la chaussée, des néons aveuglants commencent à clignoter : “French Kiss”, “Pink Panther”, les portes ouvertes des boîtes de nuit laissent échapper des notes de musique disco pendant que des corps de nymphettes perchées sur des talons aiguilles ondulent langoureusement dans l’obscurité.
Quand les premiers cars viennent déverser leur cargaison d’Allemands, d’Anglais, ou de Français, apparition des rabatteurs qui attirent le client avec leur “programme”. Voyons un peu : le décapsulage des bouteilles de Coca-Cola et l’extinction des bougies semblent être très appréciés… On n’a pas très envie d’aller voir, ni d’enrichir encore plus Monsieur Patpong qui existe vraiment. Il est le propriétaire des deux rues !
Si vous voulez quand même venir à Patpong, voici un bon alibi cul… turel : la belle librairie “The Bookseller” ouverte jusqu’à minuit !

Bangkok, 27 janvier 1993

Wat Yai Chai Mongkol à Ayuthaya


Retour à Bangkok cet après-midi, après un passage un peu décevant à Ayuthaya : les ruines sont trop en ruine ! Je ne serais donc jamais contente ?

[Cérémonie bouddhiste]

En revanche, beaucoup d’animation au Wat Phanan Choeng où la foule se retrouve pendant les premiers jours du Nouvel An chinois.






Au marché de nuit - pas de ville sans night market en Asie du Sud-Est -, nous testons diverses brochettes et soupes qui font partie de notre quotidien, mais aussi des sauterelles grillées : impossible d’introduire dans ma bouche la tête et les pattes de l’animal, je ne garde que la queue tout en me disant : “Qu’elles sont bonnes ces crevettes !”

Sukhothaï, 24 janvier 1993

La bonne surprise que nous attendions est enfin arrivée. Cet après-midi, notre cœur s’est mis à vibrer !

Chiang-Mai s’est terminé sans rien de particulier à signaler, hormis le temple de Doï Suthep. Les touristes sont bien plus nombreux qu’à notre premier passage, mais nous y flânons avec autant de plaisir.



[Ambiance dans le temple de Doï Suthep]


Antoine va seul faire une excursion de la journée dans le Triangle d’Or - un nom pareil, ça fait rêver -. Treize heures en tout, arrêts achats et photos sur les chapeaux de roue. Plutôt déçu par les méfaits du tourisme, Antoine, mais toujours content de ses achats !


Quelques heures de car, et nous voici à Sukhothaï, dans un bel hôtel, plutôt usine, mais situé seulement à un kilomètre du site.
Première visite de reconnaissance en vélo en fin d’après-midi : le terrain est plat, le site est presque désert, et nous sillonnons les petites routes goudronnées qui serpentent entre les temples. De nombreux étangs recouverts de fleurs de lotus rose, une magnifique végétation, des oiseaux qui gazouillent, et le soleil qui se couche sur des bouddhas au visage serein. C’est le pied !
Nous reviendrons demain à 6 heures au lever du soleil.


Chiang Mai, 22 janvier 1993



Je ne sais pas si cela se ressent dans mes lettres, nous ne sommes toujours pas tombés amoureux de la Thaïlande. J’attends le chemin du retour vers Bangkok car nous ne connaissons ni Sukhothaï, ni Ayuthaya, peut-être aurons-nous une bonne surprise ?




En fait, la Thaïlande me fait l’effet d’un pays qui veut en mettre plein la vue : tout pour la galerie - marchande -, des temples étincelants, des immeubles comme sur le Front de Seine, des lumières partout la nuit. En voyant Bangkok, on dirait un pays à la pointe du progrès.
En fait, la Thaïlande est toujours un pays en voie de développement, où le niveau de vie n’est pas élevé, et où l’illettrisme est chose courante. Beaucoup d’enfants ne vont pas à l’école, on voit rarement un Thaï lire ; à Koh Chang, un local qui nous voyait toujours avec un livre à la main, est venu nous demander si nous étions des écrivains !
Pour la pratique de l’anglais, c’est pire qu’en France. Il est très difficile de se faire comprendre en Thaïlande, sauf lorsqu’on marchande les prix !




Chiang Mai, 21 janvier 1993



Hier soir, direction la gare Hualampong pour prendre le train vers Chiang-Mai. Ce n’est pas aussi animé qu’en Inde, mais ici, il y a un type qui se balade dans la salle des pas perdus avec un haut-parleur pour annoncer où acheter le billet pour le train qui va partir dans cinq minutes. À 18 heures, arrêt sur image : diffusion de l’hymne national, tout le monde se lève et écoute silencieusement d’un air distrait.
Quant au train, il est très confortable. Nous avons réservé des couchettes en seconde - elle est climatisée, il fait un froid de canard ! Un employé vient nous faire le lit : matelas, draps, oreiller dans une taie, couverture, et pas un pli sous les fesses ! Un petit rideau coulissant nous sépare du couloir.
Nous arrivons à Chiang-Mai ce matin, après un voyage de douze heures (les trains font une moyenne de 40 km/heure), frais et dispos pour les hommes, et légèrement prise de tourista pour moi. Oui ! Encore !

Trouver une chambre ne pose aucun problème, et je m’y repose pendant que les hommes vont faire quelques achats dans les “villages” d’artisanat, qui ne sont, en fait, qu’une suite ininterrompue de magasins pour touristes, le long d’une route.
Résultat : Antoine a acheté des laques, un blouson, des caleçons et des cravates en soie. François à dû le freiner pour que le budget voyage n’en prenne pas un coup dans l’aile !
J’ai vaguement dîné tout à l’heure de soupe claire et de riz blanc, et j’ai de nouveau laissé les hommes aller se promener, au marché de nuit, cette fois.

François et Antoine viennent de rentrer de leur virée nocturne ; elle n’a pas duré longtemps, je doute qu’ils soient passés au salon de massage… Le marché de nuit, que nous avions connu en 87, est devenu un supermarché pour touristes, plus rien d’authentique. Des immeubles de vingt étages ont remplacé les petites maisons, partout des galeries marchandes. Les temps changent.

Bangkok, 19 janvier 1993

Visite du palais Royal, grand complexe qui comprend divers monuments. Que d'or, que d'or !









[Ambiance au Wat Phra Kaeo]


Maison de Jim Thompson. Une superbe demeure traditionnelle noyée dans la verdure au bord d'un klong. On y vend de magnifiques soieries... pas données.

Enveloppe Jim Thompson Thai Silk


[Maison de Jim Thomson]

Bangkok, 18 janvier 1993

(Jocelyne nous a fait parvenir des chocolats par l’intermédiaire d’Antoine)

            Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage,
            Ou comme cestui-là qui conquit la toison,
            Et puis est retourné plein d’usage et raison,
            Vivre entre ses parents le reste de son âge.

            Mais Ulysse et Jason ne connaissaient pas le chocolat Godiva,
            Celui qu’est bien meilleur quand on n’est pas chez soi !
            Ce soir, il n’en restera pas, de ce bon chocolat,
            Merci Copine Jocelyne d’avoir soigné ma ligne !


Aujourd'hui, petite virée au magasin Isetan, dans le centre de Bangkok.

[Isetan]

Bangkok, 17 janvier 1993


Arrivée d’Antoine. Inépuisable qu’il est ! C’est son premier grand voyage, tout est beau, merveilleux, incroyable. On ne peut plus l’arrêter ; quand nous rentrons nous reposer il continue les visites tout seul. Il nous a apporté plusieurs minicassettes audio (de Véro, de Dominique, et de Philippe et Martine que nous avions rencontrés en Inde). Maintenant il va falloir répondre par la même voie (ou la même voix ?).

Pour fêter nos retrouvailles, dîner de gambas au barbecue à Chinatown, au Hua Seng Hong Restaurant sur Yaowaraj Road. Hum, quel délice avec une bière bien fraîche, et du riz frit ! Pas chères, mes belles gambas, pas chères !

Dans le quartier, c’est l’effervescence avant le début de l’année 2536 du calendrier chinois : on repeint des boutiques, on prépare des mets spéciaux dans les restaurants et les pâtisseries, on vend des cartes de vœux et des chapelets de pétards rouges, les épiciers renouvellent leur stocks de poissons séchés, et de légumes marinés, la circulation est indescriptible. Quelle ambiance !

[Ambiance à Chinatown]

Bangkok, 15 janvier 1993

Aujourd’hui, jour du courrier, record battu : 20 lettres et fax. Merci les copains et les copines !

Dzong de Tongsa au Bhoutan

Merci pour l’article sur le Bhoutan. Votre article donne une impression très idyllique du pays, mais, revers de la médaille, de nombreux rapports d’Amnesty International mettent en lumière la dureté du régime, et la pratique courante de la torture. Faites passer le message !
Véro, la sœur de François, va aussi nous enregistrer une émission de Montagne sur ce pays. 


Marché de Thimpu au Bhoutan

Koh Chang, 13 janvier 1993



Bon, ça va mieux aujourd’hui. Depuis dix jours mes intestins divaguent (normal, sur une plage, me direz-vous). Évidemment, quand ce sont les mêmes personnes qui vident les poubelles, nettoient les toilettes et font la cuisine… J’allais déjà mieux cette nuit, car j’ai rêvé d’un sandwich au saucisson de Lyon, avec des cornichons dont j’ai même senti l’odeur.

Demain, retour à Bangkok. Antoine va bientôt arriver.

Koh Chang, 6 janvier 1993

Ne serait-ce pas le jour de la galette des Rois ? Et des kilos superflus qui viennent s’ajouter à ceux, non encore éliminés, des deux réveillons précédents ?
Que pourrais-je vous raconter ? Nous sommes sur une plage de sable fin bordée de cocotiers élancés, et baignée par des eaux claires et chaudes.

[La plage de sable fin bordée de cocotiers...]

Parmi nos occupations favorites, la lecture : j’ai relu
Don Juan, et j’ai presque terminé un bouquin épatant, comme dirait Pivot : Les Enfants de minuit de Salman Rushdie, une saga indienne complètement loufoque, dont le style inventif me rappelle celui de John Irving (Le Monde selon Garp). Picou a complètement été emballé par Le Voyage au bout de la nuit de Céline, qui sera ma prochaine lecture.



Koh Chang, 2 janvier 1993



C’est quand même exigu une hutte conçue par des Asiatiques : la chambre doit faire deux mètres sur trois, elle est presque entièrement occupée par le lit qui se compose de deux paillasses posées sur une estrade aux planches disjointes. Les cloisons sont en rondins de bois dont les aspérités et les clous se transforment en bibliothèque et penderie. Une porte très basse - François collectionne les bosses - donne sur un petit perron d’où nous pouvons admirer le coucher du soleil.

Si, si c'est moi !


Pas d’électricité, seulement un générateur pour le restaurant. Alors, quand le soleil se couche, et que le vent tourne en nous apportant les odeurs de la décharge, nous allons chercher notre lampe à pétrole. Quel romantisme !

Nous nous attendions à voir beaucoup de touristes en Thaïlande à la fin de l’année, mais à ce point, et dans une île à sept heures de Bangkok !

Quel spectacle misérable que celui des boat-touristes rejetés d’une plage à l’autre, quand aucun hôtel ne peut les recevoir. Ils ne peuvent même pas débarquer, car les hôteliers font de grands signes codés aux bateaux qui passent. Quelqu’un en Europe, dans un pays civilisé, est-il au courant de ce drame de fin d’année ? Vite, faites un geste pour les boat-touristes ; alertez l’ONU, téléphonez à Bernard Kouchner !

M. et Mme 993 ont appelé leur fils... Emile !

Koh Chang, 1er janvier 1993

Nous venons de passer le cap d’une nouvelle année, et nous pouvons vous le dire : impossible d’échapper à la traditionnelle “party”, quel que soit l’endroit où l’on se trouve !


Le 30 décembre, nous quittons Bangkok en direction de Koh Chang, une île tout près de la frontière cambodgienne.
Nous débarquons en radeau (!) sur White Sand Beach, parce que le nom est joli, et que le sable est vraiment blanc. Nous sommes imités, ou plutôt précédés par une trentaine de routards qui se précipitent comme des dératés sur le premier ensemble de bungalows. Complet. Pas grave, nous mettons les sacs à dos, et continuons le long de la plage bordée de petits hôtels tous semblables, tenus par des familles thaïes : petites huttes recouvertes de chaume, et grande hutte réception-restaurant.
Tout est de plus en plus complet, et nous de plus en plus fatigués à force de marcher dans le sable avec nos bagages.
Nous finissons pas louer deux motos-taxis : pas facile de monter pour la première fois de sa vie sur une moto, avec un sac à dos sur les épaules et un autre dans les bras. On ne sait pas trop où se tenir, j'opte pour l’épaule du chauffeur, plutôt que pour la bedaine…

Encore un hôtel complet, et nous arrivons au “luxe” du coin - les bungalows sont en dur -, tenu par un Allemand. Très affairé, tout ruisselant de sueur, les cheveux collés sur son front bronzé, il nous laisse un léger espoir avec ce bel accent teuton qui a séduit nos grands-parents et nos parents : “Aille ville traille, relax und tek a trink !” Nous payons les motos, et attendons le verdict de notre sauveur.

Vite fait, bien fait, il déloge un employé de sa chambre, et nous offre d’habiter dans le bâtiment du personnel : cinq chambres, dont trois sont déjà louées à des touristes en perdition. Le petit personnel n’a qu’à se débrouiller !
Nous sommes contents d’avoir trouvé un toit, même s’il s’agit de la réserve de l’hôtel : draps, serviettes, oreillers, savon, papier hygiénique, bombes anti-insectes. D’habitude, nous courons après…
Par terre, une estrade en guise de sommier, et un matelas pour une personne ; des oreillers remplaceront le second matelas. Pour la douche et les toilettes, c’est au bout du petit bâtiment, mais c’est très propre et tout à fait digne d’entrer dans une compétition “gain de place” !

Le premier soir, nous nous endormons très tard : le personnel, allongé sur des chaises longues devant notre porte, vide consciencieusement ses bouteilles de mekong.

Le lendemain matin, Hans - ou Wolfgang -, nous propose une chambre qui va se libérer à midi ; c’est la plus grande de l’hôtel, elle coûte 900 bahts par nuit. Au diable l’avarice, nous lui donnons notre accord pour cette nuit. Et pour les nuits suivantes, nous nous dégotons une hutte sur la plage, pour neuf fois moins cher ! Cent bahts, c’est le prix moyen d’un bungalow sur cette île en haute saison.

Enfin, ce matin, nous emménageons dans notre nouveau chez-nous, les pieds dans le sable, la mer à dix mètres, la décharge à quinze mètres, et les toilettes et les douches à trente mètres. Nous sommes les premiers clients enregistrés au White Sand Beach Resort pour l’année 93 !

Samsufi, notre petit bungalow

P.S. Le petit de M. et Mme 993 est né le 1er Janvier. Devinez son prénom !
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